Après 10 semaines, le procès pour viol collectif qui a choqué la France entre dans la phase finale des réquisitoires.
L’affaire se concentre sur un couple autrefois marié, Dominique et Gisèle Pelicot, retraités aujourd’hui au début de la soixantaine.
L’équipe juridique de Mme Pelicot fera ses déclarations finales mardi, puis la défense suivra, avant le verdict d’un panel de cinq juges attendu le 20 décembre.
Dominique Pelicot a été jugé avec 50 autres hommes à Avignon, dans le sud du pays, en septembre.
Chaque chapitre de cette affaire s’est déroulé sous le feu des projecteurs parce que Mme Pelicot a renoncé à son anonymat, rendant ainsi l’ensemble du procès ouvert aux médias et au public.
En France, on l’appelle désormais Affaire Mazanaprès le village près d’Avignon où vivaient les Pélicots.
En novembre 2020, Dominique Pelicot a admis avoir drogué sa femme d’alors pendant près d’une décennie et avoir recruté des dizaines d’hommes en ligne pour la violer chez eux alors qu’elle était inconsciente.
La police a retrouvé ses coaccusés à partir de milliers de vidéos trouvées sur l’ordinateur portable de M. Pelicot, sans toutefois avoir pu identifier 21 autres hommes. Les enquêteurs ont déclaré disposer de preuves d’environ 200 viols commis entre 2011 et 2020.
La majorité des accusés nient les accusations de viol, arguant qu’ils ne peuvent être coupables parce qu’ils n’ont pas réalisé que Mme Pelicot était inconsciente et ne « savaient » donc pas qu’ils la violaient.
Cette ligne de défense a déclenché un débat à l’échelle nationale sur la question de savoir si le consentement devrait être ajouté à La définition légale du viol en Franceactuellement défini comme « tout acte de pénétration sexuelle commis sur autrui par violence, contrainte, menace ou surprise ».
Le procès a également mis en lumière la question de la soumission chimique – l’agression sexuelle provoquée par la drogue.
Pannes de connaissance et perte de mémoire après des années de mariage
Dominique et Gisèle Pelicot, tous deux nés en 1952, se sont mariés en 1973 et ont eu trois enfants. Elle a travaillé comme directrice dans une grande entreprise française, tandis que lui, électricien de formation, a lancé plusieurs entreprises qui ont finalement échoué.
Les Pélicots ont vécu en région parisienne jusqu’en 2013, date à laquelle ils se sont retirés dans le pittoresque village méridional de Mazan. Ils possédaient une grande maison avec une piscine et avaient souvent l’habitude de divertir leur famille élargie pendant les vacances d’été.
De toute évidence, ils formaient un couple heureux et très uni. « Nous avons partagé des vacances, des anniversaires, des Noëls… Tout cela, pour moi, c’était du bonheur », a déclaré Mme Pelicot.
Entre 2011 et 2020, Mme Pelicot a ressenti des symptômes inquiétants qu’elle a interprétés comme des signes de la maladie d’Alzheimer ou d’une tumeur cérébrale, et a subi des examens médicaux approfondis. Les évanouissements et les pertes de mémoire étaient en fait des effets secondaires des médicaments que son mari lui donnait à son insu.
Mme Pelicot a divorcé de son mari peu de temps après que ses crimes aient été révélés. Elle utilise son nom de femme mariée uniquement aux fins du procès.
Dominique Pelicot est en prison depuis novembre 2020. Il sera condamné le mois prochain, aux côtés des 50 autres prévenus.
Comment l’affaire a été révélée
En septembre 2020, Dominique Pelicot a été aperçue en train de filmer sous des jupes de femmes par un agent de sécurité dans un supermarché du sud de la France.
La police l’a arrêté et a confisqué ses appareils électroniques. Ils ont remarqué des discussions suspectes sur son compte Skype, puis ont trouvé des milliers de vidéos d’hommes ayant des relations sexuelles avec une femme apparemment inconsciente : l’épouse de M. Pelicot, Gisèle.
Les enquêteurs ont travaillé pendant des semaines pour rassembler suffisamment de preuves pour placer M. Pelicot en garde à vue et l’ont finalement arrêté en novembre 2020. Il a immédiatement reconnu toutes les accusations.
Lorsque Mme Pelicot a été interrogée par la police et qu’on lui a montré des photos et des vidéos dans lesquelles elle semblait inconsciente, il est devenu clair qu’elle n’avait aucune connaissance de ce qui lui était arrivé. Elle a nié avoir jamais donné son consentement à des relations sexuelles avec d’autres hommes et a réalisé que son mari l’avait droguée pendant près d’une décennie.
Cinquante et un hommes sur le banc des accusés
Cinquante hommes – âgés de 26 à 72 ans – sont jugés aux côtés de M. Pelicot.
Ils viennent de tous horizons : parmi eux un pompier, un menuisier, une infirmière et un journaliste. Beaucoup sont mariés et ont des enfants. La plupart vivaient à moins de 60 km (37 miles) de la résidence des Pélicots.
Une poignée d’entre eux ont admis avoir violé Mme Pelicot.
La majorité rejette cependant ces accusations. Leur défense repose sur le fait qu’ils ne pensaient pas que ce qu’ils faisaient était un viol, car ils ne savaient pas qu’elle était inconsciente et ne pouvaient donc pas donner son consentement.
M. Pelicot a nié à plusieurs reprises que ce soit le cas, insistant sur le fait que lorsqu’il recrutait des hommes sur Internet, il avait clairement indiqué que sa femme dormirait. « Ils savaient tous, ils ne peuvent pas dire le contraire », a-t-il déclaré.
Ce que Gisèle Pelicot a dit au tribunal jusqu’à présent
C’est Gisèle Pelicot qui a décidé de renoncer à son anonymat, ce qui est très inhabituel en cas de viol. Son équipe juridique a également insisté pour que des vidéos des viols présumés seront projetées au tribunal.
Mme Pelicot a déclaré qu’elle espérait que sa décision permettrait à d’autres survivantes de violences sexuelles de s’exprimer : « Je veux que toutes les femmes qui ont été violées disent : Madame Pelicot l’a fait, moi aussi. Je ne veux pas qu’elles aient honte. plus. »
Elle a répliqué avec force aux suggestions « humiliantes » de la défense selon lesquelles elle aurait pu être ivre ou faire semblant de dormir pendant les viols présumés, déclarant qu’elle n’avait jamais été intéressée par les échanges de partenaires ou les plans à trois.
Cependant, Mme Pelicot a également parlé franchement de la dévastation que les abus et les mensonges de son mari ont causé dans sa vie. « Les gens peuvent me voir et penser : cette femme est forte », a-t-elle déclaré. « La façade est peut-être solide, mais derrière elle se trouve un champ de ruines. »
Comment la France a réagi au procès
L’horreur des actes de Dominique Pelicot, le grand nombre d’hommes impliqués dans cette affaire et la décision de Gisèle Pelicot de réclamer un procès public ont fait que la procédure a retenu une attention considérable.
Des dizaines de membres du public se rendent chaque jour au tribunal d’Avignon pour soutenir Mme Pelicot, la rencontrant sous les applaudissements et lui remettant des fleurs.
Des peintures murales sont apparues à travers le pays représentant son look distinctif composé d’un carré court et de lunettes de soleil rondes, et des manifestations ont eu lieu dans toute la France pour son soutien.
Surtout, beaucoup lui attribuent le mérite d’avoir déclenché une conversation sur la culture du viol, la misogynie et la soumission chimique.
Plusieurs groupes féministes font désormais pression pour que le gouvernement modifie sa définition du viol pour y inclure le consentement, comme c’est déjà le cas dans de nombreux pays européens.
« La société a déjà accepté le fait que la différence entre le sexe et le viol est le consentement », a déclaré la sénatrice des Verts Mélanie Vogel, qui a proposé l’année dernière une loi sur le viol basée sur le consentement. « Mais le droit pénal ne l’a pas fait. »